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Un symbole contre l'invisible, un Phare dans la Nuit noire
Un symbole contre l'invisible, un Phare dans la Nuit noire
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1 juillet 2018

Quelques pochards sur le rebord du gouffre de l'infini

. . . . Nous voilà les jambes pendantes sur le rebord du gouffre de l'infini néant, le grand tout du rien. Ça nous met tellement en valeur, n'est-ce pas ?

. . . .Après tout, si tu ne sais pas vivre, alors sublime dans le noir, l'horreur et la douleur.
« Le gouffre de l'infini néant, le grand tout du rien », est-ce qu'il se soucie des moucherons qui se tiennent sur son rebord, comme autant de cheveux morts ?

. . . .Ne saute pas, ce n'est pas drôle, quelle bande d'amateurs et de tire-au-flancs tue-la-joie, ceux qui sautent directement ! Fais durer la chose, essaye de trouver de quoi rire et désespérer encore un peu, on sautera de toutes façons un jour, peut-être bien plus tôt que tu ne l'imaginerais…

. . . .Je reste éveillé pour ne pas tomber, pour ne pas tomber en m'endormant, mais même si je ne tombais pas, s'endormir, c'est déjà un échantillon, un petit échantillon gratuit, un sample, un extrait promotionnel, comme un dealer qui travaillerait pour le marchand de sables – qui aurait cru que c'était ça la poudre jaune ? –, un dealer de sommeil qui t'en donne un peu pour te faire croire que tout ça c'est doux, bon, facile, que ça glisse comme sur des roulettes… sur un grand toboggan de rien… tout droit en bas de la falaise… sauf que le toboggan ne fait qu'un centième de la falaise...

. . . . …et que tu viennes en acheter encore et encore, toujours plus, car c'est tellement doux et rassurant…

. . . . …Tu trembles au réveil avant même que ta conscience n'ouvre les yeux, tu as tes propres yeux secs à ne plus pouvoir les ouvrir, et les dents qui semblent vouloir se serrer jusqu'à s'arracher en se séparant les unes contre les autres dans toutes les directions, et tu ne t'endors qu'avec des dunes de ce doux Narcotique de plus en plus grandes… mais c'est tellement doux…

. . . . …car le sommeil Narcisscotique n'est-il pas la meilleure des couvertures ? Sur les braises ardentes ou sur la glace, donne-moi juste ma couverture dans laquelle m'enrouler, un peu de sommeil, dealer de sable magique. Des apprentis-sorciers vendeurs de petite mort, enfin, je veux dire, « de sommeil », – donc de petite mort, c'est bien ça, hein ? –, qui s'improvisent en vendeurs de grande surface, fraichement promus, receleurs de souvenirs volés et d'identités plagiées… au milieu d'un monde qu'ils disent tantôt terrible – fait de pancartes en papier mâché et promotionnelles à côté du rayon poissonnerie… –, et qu'ils disent tantôt merveilleux – fait d'un étalage d'échantillons de viande abattues d'un coup de hachoir lourd et sec, qui ne doivent pas toutes êtres avalés après avoir été léchés et succulés, ni forcément passer par l'orifice usuel.

…des échantillons, toujours. Fidéliser le client, toujours ! Un jour, on aura même des échantillons d'amour ! Fidéliser le client, toujours. Un échantillon d'amour acheté, un échantillon de haine offerte !

. . . . Ici, dans notre magasin, vous devenez achetables seulement lorsque l'on vous a suffisamment endommagé ! L'objet sur lequel vous avez jeté votre dévolu (et vos chaussures) n'est pas assez endommagé, à peine fêlé ? Venez le remplacer pour un qui sera bien plus fragilisé, tellement traumatisé qu'on y lirait des pointillés de pré-découpé sur la surface !

 

. . . . …et arnaquez-nous avec ce sable, alors que ce sable, c'est juste le rien, le rien, le rien et encore le rien… et dans lesquels, pourtant, on s'enfonce comme s'ils étaient mouvants – et ne le sont-ils pas ? –

. . . . …Et à vrai dire, je ne vois plus ce qu'il y a sous la poussière, autour de moi. Peut-être n'y a-t-il jamais rien eu ? Sommes-nous riches de notre or ou de notre poussière ? Ou est-ce là la vraie richesse, gâcher, gâcher, gâcher et recouvrir l'or et les rubis, les saphirs et les lapis-lazuli de poussière ? Mais de toutes façons, voyons, quel fantastique palais que celui où la poussière n'a (plus) rien sur lequel se poser, balayer est tellement facile, il suffit de souffler un peu quand elle s'est un peu trop accumulée sur nos épaulettes de parade… Et comme vous pouvez le deviner, nous sommes bel et bien les prochains objets à être recouverts et gâchés…

. . . .Ici, dans notre palais-supermarché du gâchis, on mets d'abord la poussière, et ensuite seulement la housse ! (Qu'on laisse elle-même se recouvrir de poussière ! Et si on recommençait ensuite, avec une nouvelle housse ? Etc.) Enfin, une bien drôle de housse, avec une fermeture éclair ! Un sac à cada-quoi ? À cada-bra ? À bras cada-bra ?

 

. . . .C'est une plaisanterie répétitive, qui plaît bien aux sadiques mais que nous prenons très au sérieux, comme une seconde nature (c'est aussi douillet que d'apprendre à respirer sous l'eau quand on a pas de branchies, et pourtant, on croit y arriver – les progrès que la lobotomie offrent, vous rendez-vous compte !) – à vrai dire, nous ne la « prenons » même plus vraiment tant c'est elle qui nous prend comme des courants de rapides –, c'est comme une petite arnaque minuscule, une blague Carambar, mais qui est un piège à loup de la taille d'un 4x4.

. . . .Comment décrire les mâchoires du loup – ou de la louve ? – quand elles se referment sur vous ? En hurlant, je suppose. On rit aux bonnes blagues. On hurle aux mauvaises ? Et celle-ci est d'Enfer. Littéralement d'Enfer… Alors maintenant que le piège se referme – ou plutôt, que nos restes rampent sur le sol… – amusons-nous à compter combien de dents du piège nous ont eu, combien nous ont épargné, et lesquelles sont éclaboussées de sang, alors qu'il est pourtant en train de se remonter, comme une horloge à pendule, de se réarmer.

 

. . . .Tape des mains et claque des doigts au-dessus du vide du « gouffre de l'infini néant, le grand tout du rien », alors que le piège se réarme pour t'achever et rouvrir ce qui avait cicatrisé ou qu'on avait fini par gauchement cautériser.
Tape des mains et claque des doigts au-dessus du vide du « gouffre de l'infini néant, le grand tout du rien », tout en ne voyant pas que les dents parsèment tout le pourtour de l'intérieur de ce cylindre géant de vide, et que c'est bel et bien le piège, qui se réarme, et se déguise, en ce cylindre vide, un gigantesque « gouffre de l'infini néant, le grand tout du rien ». Quel meilleure cachette que le vide, la non-matière, pour y cacher les pires matières ?

. . . .Et après tout, ne l'a-t-on pas dit, n'y a-t-il pas toute une élégance là-dedans, à être le sommet de la noirceur, « ça nous met tellement en valeur ».

. . . .Et surtout – mais il ne faut pas le dire… – quand on le fait parce que la vie nous échappe et qu'on refuse de prendre des cours du soir pour cet examen obligatoire qu'on a depuis longtemps raté (la vie, une vie heureuse, mais on ne veut surtout pas redoubler – on fait croire qu'on a jamais rien raté, qu'on a jamais fait partie de cette école ! - « faire le mort » et l'imiter est tellement facile, et si plaisant quand on a peur de retenter quoique ce soit !) ? Ce cylindre de vide, ce « gouffre de l'infini néant, le grand tout du rien », tapissé de douces dents de métal, qui se révèlent de plus en plus, comme autant de petits asticots curieux et espiègles sortant des parois d'un cadavre, sachant qu'ils ont de moins besoin de se cacher, et de toutes façons trop curieux et affamés de nouveaux amusements pour ça.

. . . .Ce cylindre de vide, ce n'est rien d'autre que le gigantesque bac à sable – si tu vois ce que je veux dire (*renifle du nez*) – dans lequel j'ai toujours joué, la couverture dans laquelle je me suis drapé – si tu vois toujours ce que je veux dire – lorsque j'avais besoin de réconfort et d'aide: un superbe supermarché, qu'on t'as déjà maintes fois présenté, sous bien des coutures, dans les canaux fonctionnels des rues grises et de béton froids, sous la forme de toutes les misères que l'on y trouve – comme autant de choses à craindre pour s'auto-terrifier, Staline en serait au chômage ! – , ou dans les grandes surfaces sous forme de poison produit salement et sur-emballé de sucre et de papier cadeau – comme autant d'ersatz de bonheur, même si ce sont plus des imposteurs que des substituts, mais ce n'est pas grave, le temps de s'en rendre compte, on sera déjà addicts, où est ma carte de fidélité, déjà, que je la passe dans la raie, je veux dire dans la fente ?

 

. . . .Bienvenue sur le rebord du gouffre de l'infini néant, le grand tout du rien, et de ses dents qui brillent malicieusement, patientes et éternelles.

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